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22 mars 2023 |
RGPD,IA,expérience candidat
Inès Plocque

CMO, YAGGO

RGPD, IA et expérience candidat sont sur un bateau

RGPD, IA et expérience candidat sont des notions stratégiques (et à la mode), mais comment trouver le bon équilibre pour maintenir le bateau du recrutement à flot ?

Avant de répondre à cette question métaphysique qui nous tient éveillés la nuit, commençons par un petit rappel :

RGPD : vous l’avez peut-être vu passer, la CNIL a publié un nouveau guide du recrutement pour aider les équipes à respecter le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. (Mais on pourra dire qu’on avait la flemme de tout lire.)

IA : Intelligence Artificielle. Elle prend les traits de Chat GPT en ce moment, mais elle est en réalité protéiforme. D’après cette même CNIL : “l’intelligence artificielle n’est pas une technologie à proprement parler mais plutôt un domaine scientifique dans lequel des outils peuvent être classés lorsqu’ils respectent certains critères.

Voici une autre définition du Larousse : “ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine.” 

Expérience candidat : j’aime bien cette définition de Fed business : L’expérience candidat désigne l’ensemble des émotions, sentiments et impressions que va susciter chez une personne le fait de postuler à un emploi dans une entreprise donnée.

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RGPD et Expérience candidat

L’objectif du RGPD est de protéger les candidats et de les laisser propriétaires de leurs données personnelles. La récupération de ces données et leur traitement doit répondre à une finalité, qui elle-même doit respecter 3 critères : 

  1. La finalité doit être déterminée en amont
  2. La finalité doit être explicite
  3. La finalité doit être légitime

La finalité de traitement, le pourquoi on est “obligé” de faire tout ça, sera : 

  • la recherche et l’identification de profils pertinents permettant d’engranger des candidatures ;
  • la présélection des candidats ;
  • l’évaluation de la capacité du candidat à occuper un emploi et la mesure de ses aptitudes professionnelles.

Le RGPD et l’expérience candidat, c’est faire en sorte que les candidats restent les uniques propriétaires de leurs données. Pour toujours.

RGPD et IA

Maintenant, dans quelle mesure l’IA peut remplacer partiellement ou entièrement l’intelligence humaine pour récupérer et respecter les données des candidats, et recruter ?

Le secteur du recrutement n’y échappe pas, on nous sert de l’IA à toutes les sauces

Dans les outils de sourcing

 

 Récupérer des profils pertinents et des informations présentes sur internet, c’est OK pour la CNIL si les informations sont obtenues légalement et “adéquates, pertinentes et strictement nécessaires à la sélection du candidat à un poste donné”.

EXEMPLE :

“Un outil permettant au recruteur de constituer un profil pour chaque candidat, en le notant, et en y ajoutant des observations personnelles ne saurait, a priori, être considéré comme prenant une décision entièrement automatisée. En effet, quand bien même un tel outil permettrait le profilage des candidats, voire l’attribution d’une note de classement, ces actions seraient par hypothèse conduites par une personne humaine, et non par le traitement lui-même. La décision éventuellement prise ne pourra alors pas être considérée comme entièrement automatisée”.

Traduction : si c’est un outil d’enrichissement de profils candidats, c’est ok !

Dans les outils de sélection des candidats

  1. Ceux qui permettent d’évaluer les softskills

Les principes fondamentaux de pertinence et de transparence doivent s’appliquer ici : il faut un lien objectif, direct et nécessaire avec l’appréciation de la capacité à occuper.”

Il est précisé, au cas où vous vous posiez la question, qu’un test pour déduire des qualités à partir d’un signe astrologique n’est pas valide. Quoique

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   2. Ceux qui permettent d’évaluer les hardskills

Les tests qui évaluent les compétences techniques ont par définition un lien plus direct avec le poste en question. Dans ce cas, si on a prévenu le candidat (transparence) qu’il doit obtenir une certaine note pour passer à l’étape suivante, sans intervention humaine, c’est a priori conforme pour la CNIL.

   3. Le cas de l’ATS et autres logiciels de tri

J’ai appris la semaine dernière qu’il y avait des sites comme celui-ci, celui-là, ou encore celui-là qui permettent de savoir si son CV sera retenu par l’ATS. Qui est donc un premier filtre avant même que le CV soit vu par un recruteur.

Est-ce que l’ATS a le droit de vie ou de mort sur la candidature ?
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Ni une, ni deux, je me plonge dans la fiche 13 du guide du recruteur du CNIL : “un recruteur peut-il avoir recours à des logiciels de tri, de classement et d’évaluation dans le cadre du recrutement ?”

Et voici ce qu’on y trouve : “en raison des risques associés à ce mode de prise de décisions, souvent opaque pour les candidats, de tels procédés sont en principe interdits par le RGPD.”

IA et expérience candidat (et RGPD)

Ce que je comprends : documenter les actions effectuées par un recruteur et classer les différentes informations collectées pour faciliter la prise de décision, c’est oui.

Avoir une décision d’une certaine importance entièrement automatisée à l’égard d’une personne, par le biais d’algorithmes et sans qu’aucun traitement humain n’intervienne, c’est non.

Au fait, c’est quoi une décision importante pour la CNIL ? “Dans le cadre de recrutement, le fait qu’une décision exclusivement automatisée ait pour effet d’écarter un candidat du processus de recrutement devra en général être considérée comme l’affectant de manière importante.“

L’IA peut jouer sur deux leviers pour améliorer l’expérience candidat

  • le temps : accélérer le processus de sélection ;
  • la personnalisation : multiplier les parcours de candidatures selon les profils.
Mais l’IA ne décide pas toute seule du sort des candidats !

Voici deux exemples fournis par la CNIL, le premier illustre la règle, l’autre l’exception :

EXEMPLE 1 :

“Un outil de classement automatisé des candidatures reçues en réponse à une offre peut être considéré, dans certains cas, comme prenant une décision entièrement automatisée. En effet, plus le nombre des candidatures reçues est important, plus il est probable que le recruteur ne consultera qu’une partie faible des profils, en privilégiant uniquement ceux qui ont été les mieux pré-classés par son outil. Les autres candidats sont alors de facto exclus du processus de recrutement, en raison du seul fonctionnement du logiciel de tri. Cette exclusion résulterait alors d’une décision entièrement automatisée et produirait un effet significatif à l’égard des candidats concernés.”

EXEMPLE 2 :

“Un outil pour traiter automatiquement les candidatures spontanées reçues par l’intermédiaire d’un formulaire en ligne en fonction des besoins en recrutement du moment et qui rejette automatiquement les candidatures pour des types de postes qui ne sont pas à pourvoir ne saurait être, a priori, considéré comme ayant un effet significatif à l’égard des candidats non retenus. En effet, les candidats qui cherchaient un emploi qui ne correspondait pas à un poste effectivement vacant au sein de l’entité ne se sont pas retrouvés privés d’une opportunité d’emploi réelle (ex. recherche d’un CDI alors que seuls des postes de stagiaire sont à pourvoir).”

Traduction : on peut envoyer une réponse négative automatique à une candidature spontanée. (Mais si personne ne la voit, elle n’aura pas l’occasion d’être mise en vivier pour de futurs postes, et donc tout l’intérêt d’une candidature spontanée est perdu.)

La recherche de l’équilibre

La CNIL écrit ceci : “le RGPD a entraîné un allègement des obligations en matière de formalités préalables pour les responsables de traitement. La logique de formalités préalables (déclarations, autorisations, etc.) a laissé la place à celle de responsabilisation des acteurs.”

Or, il y a de plus en plus d’acteurs et d’outils investis dans une embauche. Ils aident les recruteurs à minimiser les chances d’un mauvais recrutement coûteux en temps, argent et énergie, mais diluent aussi cette responsabilisation sur le respect des données personnelles.

Dans ce cas, c’est à l’expérience candidat d’être le gardien du temple du respect du candidat. Avec l’IA comme soutien à l’intelligence humaine pour plus de rapidité, de considération et de personnalisation, mais pas comme décisionnaire.

Sous peine de retourner le bateau et que tout le monde finisse à l’eau.

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RGPD, IA et expérience candidat sont sur un bateau
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