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Je te ghoste, moi non plus ?

25 octobre 2023 |

Dire non à quelqu’un, ce n’est jamais facile ; du coup on ghoste. Mais est-ce vraiment la bonne solution ?

Elodie Forato

Responsable Recrutement, YAGGO

Un contenu sur le ghosting, encore ?

Oui, mais cette fois on aborde le sujet d’une manière plus… philosophique.

Qu’est-ce qui nous pousse à ghoster ? Peut-on éviter de le faire ? De quelle manière ?

Les réflexions qui suivent partent d’un article intitulé “Se souvenir de notre non”, sur lequel je suis tombée dans le Philosophie Magazine de septembre (ouais, ça joue les intellos par ici), dans lequel l’autrice, Isabelle Sorente, revient sur les causes et effets du ghosting.

Et comme on n’est pas ici pour parler palmarès Tinder, on va évidemment plutôt se concentrer sur le ghosting des recruteurs et recruteuses envers les candidat-es.

On y va ?

Pourquoi ghoste-t-on ?

« 5 raisons qui peuvent expliquer le ghosting des recruteurs, la 4 va vous surprendre 🤯« 

1. Par culpabilité ou lâcheté

“C’est intime de dire non, ça demande un certain courage, une certaine énergie qu’on n’a pas forcément envie de donner à quelqu’un qu’on connaît à peine.”

Pour rappel, mon job à moi avant tout, c’est Recruteuse. Et honnêtement ? J’ai beau avoir dit non des centaines de fois à des candidat-es, j’ai beau avoir des justifications pour chaque refus, je ne suis jamais sereine pour autant. A chaque nouvelle réponse négative que je dois faire, le stress de “comment la personne va réagir ?” s’empare de moi. Alors que les retours des candidat-es ont toujours été soit positifs, soit inexistants, donc aucune raison de flipper.

Mais on sait qu’on va créer une déception, parfois forte.
➡ Ghoster devient alors ici la solution de facilité : on fuit la situation qui nous demande une implication émotionnelle relativement élevée et nous met mal à l’aise.

giphy

2. Par manque de temps, et/ou surabondance de sollicitations

“Alors les incessants messages qui pleuvent sur nous comme des grêlons – merci WhatsApp, Insta, Signal, Outlook – et que nous sommes censés lire en temps réel me laissent parfois sans force.”

(Que celui ou celle qui n’a jamais ghosté dans sa vie me jette la première pierre.)

Pour les recruteurs, les sollicitations ça se traduit par : devoir répondre présent-e pour gérer des recrutements parfois sortis de nulle part (et, la plupart du temps, plusieurs en simultané, et généralement pour hier), créer et diffuser les annonces, faire le sourcing, étudier les candidatures, préparer et faire les entretiens, courir après les hiring managers, répondre aux candidat-es, faire du reporting… et on en passe.

Dans ce cas, le ghosting n’est pas toujours volontaire, mais résulte d’une difficulté à faire face à toutes ces obligations.

3. Par dépersonnalisation (attention, mettez vos skis, pente glissante en vue)

La dépersonnalisation est “une attitude négative ou détachée de la part de l’individu envers les personnes avec qui il interagit dans son contexte professionnel et qu’il finit par traiter comme des objets”.

C’est un phénomène qu’on retrouve beaucoup dans certains métiers fortement exposés au stress émotionnel, typiquement au sein du corps médical.

Sans forcément aller jusque là, on sait que le recrutement est un métier dans lequel on peut parfois faire face à des candidat-es avec des situations de vie très dures, ou, plus fréquemment, des candidat-es pour qui l’enjeu de leur recherche d’emploi est crucial ; métier que l’on n’exerce soi-même pas toujours dans des conditions idéales.

➡ Le manque d’empathie exprimé via le ghosting devient alors une manière de se protéger, voire de se prémunir du burn-out (souvenons-nous de cette stat’ selon laquelle 1 recruteur-e sur 3 envisageait de changer de métier en 2022).

4. Par peur de faire une boulette

Parfois, la raison du refus est difficilement entendable, voire va relever d’un cas de discrimination (on en profite pour rappeler qu’on compte à ce jour 25 critères de discrimination).

De fait, on va préférer la lettre morte plutôt que de risquer une sauce qui pourrait nous coûter cher, ainsi qu’à l’entreprise :

  • En termes de bad buzz sur les réseaux et autres contrées glassdooriennes (bye bye la marque employeur)
 
  • Et potentiellement littéralement, car en cas de recours, la discrimination est punie par la loi : jusqu’à 45 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement pour une personne physique, jusqu’à 225 000 € d’amende et une interdiction d’exercer l’activité pour une personne morale.
giph sauce

5. Parce qu’on peut ?

Et enfin, last but not least, on ghoste parce qu’on peut ghoster ! 

En effet, déjà, il n’y a aucune obligation légale à faire un retour aux candidat-es qui ont répondu à nos offres.

Ensuite, quand ils ou elles sont incentivé-es, les recruteurs le sont sur des aspects quanti (nombre de recrutements menés à terme par exemple), et pas sur des aspects quali (l’expérience candidats par exemple).

Le but devient donc d’atteindre ses objectifs le plus rapidement possible, et tant pis pour les dommages collatéraux.

Pourquoi ne devrait-on pas le faire ?

Pour une fois, on va mettre de côté les considérations business que vous connaissez sans doute déjà : impact sur la marque employeur, impact sur les futurs recrutements, impact sur le chiffres d’affaires.

On va parler émotions.

“La politesse coûte peu, et achète tout”. C’est Montaigne qui l’a dit (merci Evene).

Comme on l’a vu dans notre récente étude sur la santé mentale des candidats, le top 1 de l’étape la plus énergivore dans un process de recrutement, pour 34% des candidats, c’est : l’attente d’un retour.

On ne va pas refaire le topo, mais un peu quand même : c’est la moindre des choses d’apporter une réponse, même automatisée (tant qu’elle est travaillée, bienveillante et un minimum raccord avec la charte de communication de votre entreprise), à quelqu’un qui postule chez vous en réponse à une demande que vous lui avez adressée à travers votre annonce (oui, même dans le cas où ce n’est pas à CE profil que vous l’aviez adressée).

Et la personne en face, enfin, derrière le CV, vous en sera toujours reconnaissante.

“Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît”
(Pour le coup ils sont des dizaines à l’avoir dit ; comme quoi.)

Nouvel extrait de l’article dans Philo Mag :

“Dans le monde des interactions humaines, trop humaines, le non se raréfie, devenant à lui seul une preuve d’intimité et d’estime. Quant à ceux à qui on ne répond rien, ils sont censés traduire ce que la messagerie refuse de leur dire en face : un “pas tout de suite” qui se prolonge, c’est un non – un non non-dit, avec le sentiment amer de ne pas même être digne d’une réponse négative. Être traité comme un spam, un message indésirable, ça nous arrive à tous.”

Vous aimez vous faire traiter comme un spam vous ?
Bof hein.

Pareil pour les candidats 😃


“This too, shall pass”

Parce qu’une image vaut mille mots :

twitter capture decran

Oui, on a parfois tendance à vite oublier que la position dominante dans laquelle on se trouve ne perdurera pas ad vitam aeternam, et que gare au retour de bâton quand le marché passe en faveur des candidats 😇

Comment dire moins non ?

Évidemment, il n’y a pas de recette miracle, et ne pas avoir à dire non aux candidat-es, ça n’existe pas ; en revanche on peut mettre en place quelques actions pour limiter cette charge mentale et opérationnelle (on parle ici évidemment du non à l’étape de présélection).

  • Avoir une page carrière en béton : tout le monde ou presque le sait désormais, une bonne marque employeur attire autant qu’elle repousse. Faites en sorte de donner un maximum de visibilité aux candidat-es sur votre page carrière afin de leur permettre de se projeter chez vous, ou non. Et surtout, surtout : expliquez-leur comment bien postuler chez vous.
 
  • Travailler vos annonces : même combat, des annonces complètes, précises et comprenant de l’identité corpo aideront les candidats à supputer s’ils sont faits pour le poste ou non.
 

NB : le salaire est à lui seul un filtre très puissant ; en ayant connaissance d’une fourchette, les candidat-es hors de cette fourchette ne se positionneront logiquement pas.
Enfin, ces annonces, assurez-vous de les diffuser sur les canaux pertinents et en nombre limité pour ne pas avoir à traiter des candidatures qui arrivent de partout à la fois.

  • Personnaliser votre formulaire de candidature : en mettant des questions obligatoires qui portent sur des points névralgiques du poste et du contrat, vous allez inviter les candidat-es à vous dire non eux-mêmes. En effet, si la personne postule sans tout à fait avoir lu l’offre, une question comme “Avez-vous bien pris connaissance du fait qu’il n’y a pas de télétravail sur ce poste et postulez-vous en accord avec ce point ?” la poussera au moins à s’intéresser à ces considérations pratiques et ne pas envoyer sa candidature si les conditions proposées ne correspondent pas à ses attentes.
 
  • Faire une pause : déterminez un seuil à partir duquel vous estimez que vous avez suffisamment de candidatures à traiter, et suspendez la diffusion de votre annonce, le temps d’étudier les profils déjà reçus.
    Si le bon est parmi ceux-ci, Mazel Tov, et vous n’aurez qu’à dire non à un nombre choisi de personnes ; s’il ne l’est pas, pas grave, vous dites non toujours à un nombre choisi de personnes, et vous rouvrez l’annonce.
giph smart

Comment dire non ?

Déjà, je pense que ça part d’une posture à avoir.

Dire non :

  1. C’est un devoir quand on est recruteur ou recruteuse, au moins moral : ça fait partie du job, on est payé-es pour ça les gars !
  2. C’est rendre service aux candidat-es.
    Parce que la charge mentale n’est pas que de notre côté ; dire non à quelqu’un c’est lui permettre de clore le dossier et de pouvoir passer à la suite plus sereinement.
    Mais c’est se rendre service à soi aussi : rien de telle que la satisfaction du travail bien fait !
  3. Il n’y a que le premier pas qui coûte ; si les premiers sont difficiles, les suivants le sont un peu moins tout de même.

 

Comment systématiser le non ?

Là on est théoriquement sur des choses que vous connaissez – mais un rappel ne fait jamais de mal.

 

1. Être sûr-e de soi

Et pour ça, pas de secret : il faut que vos évaluations (de CV, pendant les entretiens) soient basées sur des critères solides, objectifs, liés au poste et essentiels. Donc il faut avoir fait un brief de poste approfondi en amont.
Quand on a une vraie raison, c’est tout de suite plus facile de dire non.

2. Séquencer

Et du coup, quand on a des bons critères de poste, on peut aussi prévoir des templates de mails de refus par critère. Ou on peut aussi séquencer par degré de personnalisation de la candidature, et envoyer des réponses avec un degré de personnalisation symétrique.
Bref, on s’organise pour considérer chaque candidature en y investissant le temps nécessaire, ni plus ni moins.

3. Choisir son canal

Dans le cas de la présélection, il est assez évident que le retour aura lieu par mail, la question ne se pose pas vraiment.
Mais dans les autres cas (et ça fera probablement l’objet d’un futur article, #teasing), je suis très partisane du fait de choisir le canal qui nous convient le mieux : en fonction de notre personnalité, en fonction de la relation avec la personne évaluée, en fonction de notre humeur.
Qui a décrété qu’il fallait à tout prix prendre son téléphone ?

4. Faire appel à une solution externe

Bon ben vous l’avez deviné, c’est l’instant promo > coucou !

Au final, si vous êtes en galère pour dire non à l’ensemble de vos candidat-es, quelle qu’en soit la raison : YAGGO est là pour vous soutenir, vous soulager même, dans cette mission parfois fastidieuse ; dire non c’est notre métier, et en plus on aime ça car ça rend service à tout le monde !

giph
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