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Les vocaux de … [Ep.39] Arnaud D’Hoine : cas pratique de mise en place d’EVP et impacts sur le recrutement

8 novembre 2023 |

Les vocaux, ce sont de courtes interviews de personnalités qui font bouger le monde des ressources humaines.
Aujourd’hui, on parle d’EVP (Employee Value Proposition), et pas avec n’importe qui : Arnaud D’Hoine est le spécialiste du sujet en France, et fondateur du cabinet IVIPI (vous l’avez ?).

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Inès Plocque
Miniature épisode 39

Pour commencer, c’est quoi l’EVP ?

“L’EVP, c'est ce qui va nourrir la marque employeur, notamment en obligeant les entreprises qui s'intéressent à réfléchir à quatre sujets principaux :
1. Culture d’entreprise
2. Gestion des carrières
3. Avantages
4. Travail (qu’est-ce que je fais dans l’entreprise ?)”
arnaud dhoine
Arnaud D'Hoine
Fondateur @IVIPI

Plusieurs questions se posent ensuite :

  • Est-ce que tout le monde a un EVP ?
  • Par quoi on commence  ?
  • Est-ce que c’est aussi compliqué à trouver qu’un Patronus ?

 

Avec toutes ces questions, le plus simple est de prendre un exemple : un cabinet de conseil.

patronus
Rare photo d'un EVP

Contexte sur ce cabinet de conseil

Ce cabinet de conseil galérait pour recruter des profils juniors : des A-players qui sortaient des meilleures écoles.

Ce décalage observé et subi entre la cible de candidats et ceux qui postulaient effectivement a initié la réflexion de l’EVP.

Action 1 : on récupère sur le terrain ce que veulent les candidats

Objectif : savoir pourquoi les jeunes qu’on souhaite attirer en stage ou en premier job ne sont pas réceptifs au message qu’on envoie ?


Le message n’était pas le bon : le positionnement du cabinet était trop hybride et la proposition de valeur (qu’est-ce que le stagiaire va gagner) pas claire.


Donc, que fait-on ?


On demande aux principaux intéressés, et voilà ce qui ressort :


“On ne connaît pas bien le secteur du conseil, et on a peur de s’engager, d’appartenir à une practice ou à une ligne de métier.”

Action 2 : on trouve un sponsor interne

Maintenant qu’on a remonté le problème depuis le terrain, il faut un sponsor en interne, idéalement un membre du comité de direction, qui y croit et qui va permettre d’agir en profondeur :

“Adapter notre communication, casser un peu notre image, accepter de dire aussi peut-être plus la vérité sur le contenu des missions.”

Action 3 : l’onboarding géant

Et voilà la première grosse décision : laisser le choix du non choix, pendant un an.

“Soit les jeunes savent précisément quelles sont les missions qu'ils ont envie d'effectuer, que ce soit SI, en RH, en orga, peu importe. Ils feront des missions qui seront en ligne avec leurs aspirations et leurs compétences. S'ils ne savent pas ou qu'ils hésitent, on va leur proposer pendant un an de toucher à plusieurs choses et le choix n'interviendra que plus tard.”
arnaud dhoine
Arnaud D'Hoine
Fondateur @IVIPI

Tout ça ne se fait pas en un claquement de doigts, Arnaud précise que ça a pris 6 mois pour trouver la bonne formule d’onboarding.

Les résultats en 2 temps

Les résultats sont arrivés après 1 an, d’où l’importance d’un soutien haut placé !

  1. D’abord ils ont observé des départs
    Des stagiaires qui se sont rendus compte (plus vite que traditionnellement) qu’ils étaient très contents de leur expérience mais qu’ils ne voulaient pas faire ce métier. 

  2. Hausse qualitative des recrutements et baisse du turnover après 2 ans d’ancienneté.

Les 2 cents d’Arnaud - L’info à emporter

  • Pour ce projet (mais comme pour les autres), il faut arriver avec des chiffres : le coût d’acquisition par candidat ici : combien vous coûte une candidature ? Puis émettre des hypothèses sur l’impact que nos actions auront sur ce coût.
  • Une action de EVP ne peut être menée que collégialement et comme un projet : par les recruteurs sur le terrain, des experts métier et ceux qui décident. 
  • La phase d’audit est indispensable et pas simple : on va entendre des choses qu’on ne veut pas entendre, et il faut le faire à 360° : interne et externe (prestataires, partenaires, candidats).


Alors, on s’y met ?

INES :

Salut Arnaud, j’espère que tu vas bien. Je suis ravie de t’avoir sur ces vocaux. Je voulais parler aujourd’hui avec toi d’EVP (Employee Value Proposition) pour que tu m’en dises un peu plus étant donné que tu es l’expert international du sujet.

ARNAUD :

Bonjour Inès. Merci pour cet échange, c’est très cool. Et puis je suis ravi de discuter d’EVP avec toi. Effectivement, tu as raison, on est nombreux à se planter sur le sujet et notamment en faisant une confusion avec ce qu’on va appeler “la Marque Employeur” ou “le marketing RH”. 

L’EVP, c’est ce qui va nourrir cette marque employeur, notamment en obligeant les entreprises qui s’intéressent à réfléchir à quatre sujets principaux. 

Le sujet n°1, c’est tout ce qui va concerner les competition benefits, les aspects salaire. Évidemment, tu as un pilier de l’EVP qui concerne la culture de l’entreprise, un autre pilier qui va concerner la gestion des carrières, les mobilités, la montée en compétence, la gestion de la formation, un autre pilier qui va concerner le climat, les avantages, et tout ce qui pourrait être une grosse catégorie, un peu fourre-tout. Et je rajouterais moi un autre pilier qui serait celui du travail. 

Finalement, qu’est-ce que je fais dans cette entreprise ? Quelle est ma contribution ? Et ce, ça se rapproche un peu de la culture, mais ce serait un pilier un peu différent. Donc c’est hyper cool de se pencher sur la question de l’EVP. Parce que ça va obliger une entreprise à se poser des tas de questions sur qui elle est, où elle va, les moyens, les objectifs, la stratégie, etc., etc. Et aujourd’hui, ben je profite de l’occasion parce que j’ai un cas assez spécial à te partager. C’est celui de la mise en place d’une action particulière qui a trait à cet Employee Value Proposition dans un secteur très concurrentiel, qui est celui des cabinets de conseil. C’est parti d’un constat très simple, c’est que ce cabinet de conseil galérait au plus haut point pour recruter et fidéliser des profils juniors. Ils se sont consacrés pendant des années au recrutement, de ce qu’on va appeler les “A-players” très fondés sur le diplôme et pas forcément tout le reste. 

Et on s’est retrouvé avec des juniors qui étaient déçus par les missions qu’on pouvait proposer, des juniors surtout qui ne candidataient pas en gros. En résumé, un décalage gigantesque entre la cible et ceux qui candidataient réellement chez nous. Et donc, il a fallu se poser la question à un moment donné de ce qu’on allait pouvoir mettre en place après des petites actions cosmétiques. Il a fallu aller creuser un peu plus profondément, et c’est là où on a mis le doigt sur des sujets qui ont trait à ces fameux piliers de l’EVP dont je te parlais il y a quelques instants.

INES :

D’accord. Et concrètement, comment as-tu mis en place justement ce gros chantier là ? Qui est-ce que tu as mobilisé ? Quelles sont les étapes par lesquelles tu es passé concrètement, comment ça s’est mis en place ?

ARNAUD :

C’est venu du terrain dans un premier temps, notamment des forums écoles et des interventions qu’on pouvait mener, que ce soit dans les écoles de commerce ou les écoles d’ingénieurs d’ailleurs. Et on a fait un truc qu’on oublie assez régulièrement. En fait, quand on fait du recrutement, notamment, c’est d’écouter les candidats et d’écouter leurs craintes, leurs doutes, leurs questions, leurs interrogations. 

Et on s’est posé la question en se disant : Comment ça se fait qu’en fait les jeunes qu’on souhaite attirer en stage ou en premier job ne sont pas réceptifs au message qu’on envoie ? En fait, le message n’était pas bon. Voilà, on avait un positionnement un peu hybride quelque part entre un conseil très opérationnel et des velléités de conseil en stratégie. Sauf qu’on n’était pas Bain et certainement pas le BCG. Et donc, quand tu t’adresses à des candidats qui rêvent d’aller chez Bain et BCG en n’étant pas ces gens-là, forcément, t’as un peu de mal à les attirer. 

Donc ça, c’est la première étape, c’est déjà de se poser la question de ce diagnostic interne. Deuxième étape, je le disais, aller écouter les candidats. Le point de douleur principal qui est remonté c’est le suivant : on a peur de s’engager. On ne connaît pas bien le secteur du conseil, et on a peur de s’engager, d’appartenir à une practice ou à une ligne de métier. 

On a l’impression que si jamais on choisit d’aller en finance d’entreprise ou en spécialisation retail ou R.H. ou peu importe, on sera condamné à faire ça sans pouvoir en sortir pendant deux ans, trois ans, quatre ans, etc. Et comme c’est pas hyper clair pour nous, les jeunes, on n’y va pas. Voilà, ça a été le problème principal qui a été identifié. 

Et donc, pour répondre à cette problématique-là, parce que c’est venu du terrain, donc des managers opérationnels qui recrutent, c’est venu de la direction des ressources humaines et du département en recrutement. Il a fallu aller chercher le sponsoring du comité de direction. Dans un secteur comme le conseil, où il y a cette notion de A-player, de représentation, de candidats bardés de super diplômés des meilleures écoles, etc. C’est compliqué d’aller expliquer aux associés du cabinet que peut-être que ce ne sont pas ceux dont on a réellement besoin, qu’il va falloir adapter notre communication, casser un peu notre image, accepter de dire aussi peut-être plus la vérité sur le contenu des missions. 

Étape numéro un, et à nouveau étape numéro deux. : réfléchir en fait à ce qui va être un onboarding géant qui va durer quasiment un an. Pour les business  analysts, que ce soit des stagiaires ou que ce soit des premiers emplois, on a pris la décision, et c’est une décision qui a été prise avec un des associés. 

L’idée est venue de lui, finalement, et c’est peut-être ça qui a permis la mise en place beaucoup plus rapide. Cet associé nous a dit : moi ce que je vous propose, on étudie le sujet, faisons en sorte que pendant la première année d’expérience, on n’attache pas les business analysts à quelques practices, soit à quelques lignes de métier que ce soit. On va avoir deux cas de figure. Soit les jeunes savent précisément quelles sont les missions qu’ils ont envie d’effectuer, que ce soit SI, en RH, en orga, peu importe. OK, très bien. Ils feront des missions qui seront en ligne avec leurs aspirations et leurs compétences. S’ils ne savent pas ou qu’ils hésitent, on va leur proposer pendant un an de toucher à plusieurs choses et le choix n’interviendra que plus tard. 

Donc ça a été une révolution pour cette entreprise, et on l’a adossée à des programmes de formation, de la montée en compétence, la découverte des métiers, des ateliers plus participatifs avec les consultants, les seniors consultants, etc. De sorte en fait de faire découvrir de manière très pratique les différentes opportunités au sein du cabinet, et plus généralement de faire découvrir à ces jeunes entrants sur le marché de l’emploi ce qui est la réalité du monde du conseil, avec ses difficultés et ses avantages également.

INES :

Est-ce que tu peux juste me préciser combien de temps ça a pris au total et les résultats que vous avez pu observer ?

ARNAUD :

En termes de mise en place, c’est un projet au long cours. C’est clairement pas quelque chose qui se décide sur un coup de tête. Entre ces premières étapes, la réflexion, les premières hypothèses, le test, etc., on a mis quasiment six mois avant de trouver la bonne carburation sur cet Onboarding XXL sans coloration finalement. 

Les résultats, on a commencé à les voir peut-être au bout d’un an, un an et demi. Pourquoi ? Parce que t’as déjà des stages de six mois déjà. Donc tu avais un premier jalon à ce moment-là. Et puis les passages de grade d’analyste à consultant se font en général au bout d’un an, voire un an et demi, et c’est là qu’on a pu constater deux choses. 

Premièrement on a eu une accélération, alors c’est paradoxal ce que je vais dire, mais on a vu une petite hausse du nombre de départs post-stage et au passage de grade, parce qu’ on a mené des entretiens qui nous ont révélé aussi que les gens étaient très contents de leur expérience. Ils avaient appris plein de trucs, mais ils se sont rendu compte que ce n’était pas le métier qu’ils avaient imaginé. 

Quelque part, moi en tant que RH, je me dis que c’est une bonne nouvelle, parce que il vaut mieux une séparation rapide en bon terme que à un mariage malheureux et des relations difficiles au long cours. 

Mais on l’a vu à plus long terme, on l’a vu au bout de deux ans quasiment que les pics de turn over qu’on avait à plus tard, ceux-là ont diminué. D’un côté, on a eu une hausse qualitative du recrutement qui nous a permis d’attirer des gens qui spontanément n’étaient pas forcément attirés parce que on avait un élément différenciant. Premier point. Deuxième point, un cabinet de conseil qui dit la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, sans enjoliver, c’est pas mal, ça peut être un principe intéressant. Donc, l’expérience s’est avérée dans l’ensemble positive, même si effectivement elle n’a pas été que facile à vendre, notamment parce que ces résultats ne se voient qu’à moyen ou à long terme.

INES:

OK, et avec le recul, est-ce que t’as des enseignements que tu pourrais partager sur la mise en place de cet EVP.

ARNAUD:

Alors, sur les enseignements d’une opération pareille, il y en a plusieurs. Je dirais que la première leçon qui a été tirée, c’est la difficulté de vendre le projet en interne parce que tu vends quelque chose sur lequel le retour sur investissement est quand même assez lointain dans le temps, et donc il faut se il faut se battre. Il faut arriver avec des chiffres. Il faut arriver avec un coût d’acquisition par candidat qui soit clairement établi. Il faut émettre des hypothèses qui vont illustrer le fait qu’on va diminuer ce coût d’acquisition. 

Enseignement numéro deux : une action de EVP ne peut être menée que collégialement. On a besoin de travailler avec tout le monde dans l’entreprise. Le constat est venu du terrain. Ça a été relayé par les RH. Par les managers opérationnels. C’est un associé qui s’en est emparé. On a travaillé ensemble, mais derrière, c’est la direction financière, c’est la direction marketing, c’est tout le monde se met en œuvre simultanément en mode gestion de projet finalement pour qu’on arrive à quelque chose. Sans chiffres, sans hypothèse financière, notamment sur le coût du turn over, sur le coût d’un  time to fill qui se rallonge, etc., c’est quand même assez difficile de vendre le truc. 

Ça, c’est le premier enseignement. Deuxième enseignement, c’est que la phase d’audit consiste à comprendre ce qu’on est, ce qu’on fait et ce qu’on vend finalement aux collaborateurs et aux candidats. Cette phase d’audit, elle n’est pas simple parce qu’on va peut-être entendre des choses qu’on n’a pas envie d’entendre, et je vais même aller plus loin. Cet audit, ce n’est pas simplement poser des questions aux gens qui sont déjà là et aux gens qu’on a envie d’avoir. C’est le faire à 360 à l’extérieur de l’entreprise. C’est aussi aller poser des questions sur la perception qu’on a de l’entreprise chez les prestataires, chez les partenaires. C’est ce qu’on a fait et je pense que ça a amené un peu de valeur ajoutée dans la démarche. 

Et puis, dernier enseignement, et c’est ce que je te disais en intro, pourquoi est-ce qu’on fait cette confusion régulièrement avec des actions de marketing RH. Si on veut faire quelque chose qui dure dans le temps, qui soit efficace, il faut se pencher sur cette question d’EVP. Ça nécessite d’aller faire ce travail d’investigation en profondeur, qui est hyper cool. 

Et ça va permettre aussi de ne pas simplement faire des coups d’éclat de marque employeur et d’avoir quelque chose qui soit construit et réfléchi et qui puisse s’adapter en temps réel. Parce que dans ce sujet là, comme dans beaucoup d’autres, absolument rien n’est figé et il faut être capable de se montrer très réactif.

INES:

Merci Arnaud pour tout ce que tu nous as appris et pour ton temps et à très vite !

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1. L’audit d’EVP / Proposition de Valeur Employeur
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